Ambassadeur culturel – Une galaxie de petites lumières
02 décembre 2023Notre ambassadeur culturel nous offre en exclusivité un conte de Noël.
Il y a de l’électricité dans l’air à l’école du village. C’est Noël dans quelques jours et plus personne n’a la tête aux leçons.
Un après-midi, Madame Gabrielle, professeure de quatrième année, demande à ses élèves de dire à quoi vont ressembler les festivités dans leur famille. Élodie, le regard brillant, raconte que ses grands-parents vont venir d’Abitibi pour le réveillon et qu’elle a hyper hâte de manger la bûche au chocolat faite maison par sa mamie. Grégoire, lui, explique que chaque année, son père aménage une patinoire sur l’étang gelé, juste à côté du garage, et que toute la famille enfile les patins pour participer à un match de hockey qui dure au moins trois heures.
Tous les enfants ont des étoiles dans les yeux et quelque chose à raconter, mais quand vient le tour de Ludovic, ses lèvres restent closes.
– Ludovic, dit Madame Gabrielle d’une voix douce, tu ne veux pas nous dire comment ça se passe chez toi à Noël ?
Aucune réaction du petit garçon.
– Ouin, gros party chez vous Ludo !
C’est Noah qui a parlé. Noah qui est toujours le premier à se moquer des autres.
D’un regard sévère, Madame Gabrielle lui intime de se taire.
– Ben c’est pas de ma faute s’il a perdu sa langue…
– Noah, ça suffit !
Au moment où la professeure prononce ces mots, la cloche retentit, annonçant la fin des cours pour la journée. Ludovic se lève aussitôt, agrippe son sac d’école et disparaît dans le corridor, suivi des autres élèves. Madame Gabrielle, songeuse, pense être maintenant seule dans la classe quand une petite voix se fait entendre derrière elle. Elle reconnaît le timbre délicat de Chloé.
– Madame Gabrielle, moi je sais pourquoi Ludo est triste. L’enseignante fronce les sourcils.
– Est-ce que tu veux me le dire, Chloé ?
La fillette, dont la maison est voisine de celle de Ludovic, a en effet entendu ses parents dire que le père du garçon est malade, très malade. Chloé en sait peu, mais elle a saisi au vol les mots « cancer », et « hospitalisation ».
***
À la fin de la dernière journée d’école avant le congé des Fêtes, Madame Gabrielle salue chaleureusement ses élèves.
— Joyeux Noël mes amours! Amusez-vous bien et on se revoit en janvier !
Les jeunes sont survoltés, sauf Ludovic, qui sort de la classe d’un pas traînant et se dirige vers l’autobus scolaire.
En descendant du véhicule jaune, un quart d’heure plus tard, il a l’air plus maussade que jamais. Il reste même planté quelques secondes devant la cour de sa maison, comme s’il hésitait à rentrer chez lui.
Quand il pose enfin le pied dans la cour, il sursaute en apercevant des lumières s’allumer aux sapins qui bordent l’allée. Il avance encore un peu et voilà que d’autres lumières se mettent à scintiller. Quand il atteint la maison, ce sont des centaines de lumières multicolorent qui éclairent le chemin.
Tandis que sa bouche et ses yeux forment des O d’émerveillement, Ludovic voit l’autobus scolaire s’engager dans la cour.
– Hein ?
Stupéfait, il échappe son sac dans le mince tapis de neige, tandis que descendent un à un de l’autobus tous les élèves de sa classe, suivis de Madame Gabrielle.
– Joyeux Noël Ludo! lancent-ils en chœur.
– Je vais te garder un morceau de la bûche de ma grand- mère, ajoute Élodie.
– Pis tu vas venir jouer au hockey sur l’étang chez nous, renchérit Grégoire.
Même Noah est là, un sourire à la place de son air baveux habituel, tandis que dans les yeux mouillés de Ludovic, se réverbèrent une galaxie de petites lumières chaudes comme des soleils.
TRISTAN MALAVOY · AMBASSADEUR CULTUREL